"Des maths avec mon enfant"

Intervention de Nalini Anantharaman, mathématicienne au Collège de France auprès des élèves et des familles.

Depuis novembre 2022, l'académie de Strasbourg, avec le soutien du Collège de France, s'est engagée dans l'action "Des maths avec mon enfant". L'école Furstenberger de Mulhouse a rejoint le projet à la rentrée 2023 avec 2 classes de CM1.

Cette action de co-éducation s'adresse aux familles volontaires qui s'engagent à participer, tout au long de l'année, à des temps de réflexion pour accompagner leurs enfants en mathématiques. Lors de cette première année, les temps d'accueil des parents étaient co-préparés et co-animés avec le soutien de Danielle Ruetsch, formatrice 1er degré pour l'éducation prioritaire. Depuis la rentrée 2024, Angélique Lettry, enseignante des deux classes, organise seule ces temps. Des crédits de la Cité Éducative du Bourtzwiller ont permis d'équiper les deux classes en jeux mathématiques.

La proposition de cette action a suscité un vif intérêt auprès des parents de CM1 de l'école Furstenberger : 16 familles se sont inscrites pour participer à ce projet l'an dernier. il s'agissait de leur faire découvrir comment renforcer les compétences mathématiques et transversales de leurs enfants de manière ludique, de créer du lien dans les famille mais également de proposer une alternative aux écrans. A chaque période, les familles étaient accueillies pour un temps dédié à l'appropriation de jeux mathématiques (qui leur étaient ensuite prêtés pour une utilisation à domicile) puis un échange sur une thématique en lien avec l'éducation (temps de sommeil, organisation des devoirs espace/temps, les mathématiques hors de la classe, la surconsommation des écrans, la mémoire...). Après ce temps collectif, un deuxième temps dédié à l'accompagne des devoirs en classe était proposé à partir d'entrées scolaires : Comment apprendre le tables de multiplication ? Apprendre une leçon ? Méthodologie : comment faire mes devoirs ? Comment, en tant que parent, je peux accompagner mes enfants dans leur travail personnel ? Ces temps sont l'occasion pour les familles de mieux comprendre les attendus de l'enseignante en situation réelle ; les échanges y sont toujours riches et permettent aux parents de mieux accompagner leurs enfants et de faire sortir les maths de l'école pour rayonner dans la vie quotidienne des élèves.

Depuis la rentrée 2024, conscientes de l'investissement régulier que cela représente, 6 familles ont souhaité poursuivre l'action. Pour cette 2ème année d'expérimentation, Madame Lettry propose 2 temps d'accueil aux familles chaque période. Ces temps débutent par une présentation et une appropriation de deux jeux mathématiques (un jeu pour jouer en famille et un jeu pour s'entrainer seul). Ils se poursuivent avec des séances types "devoirs faits" au cours desquelles les parents vivent en situation le rôle d'accompagnateurs de leur enfant. Ces temps leur permettent de devenir légitimes puisqu'ils ont à présent une méthodologie pour gérer ce temps devoirs qui peut s’avérer conflictuel. Les élèves se préparent également pour le collège notamment dans l'accompagnement à la méthodologie. Les méthodologies explicitées sont transversales ; elles outillent les élèves pour progresser dans toutes les disciplines. L’enseignante est disponible pour répondre aux besoins de chaque élève et/ou de chaque parent.

Cette action permet de renforcer (parfois de créer) le lien entre l'école et les familles mais aussi le lien enfant-parent(s). Papas et/ou mamans s'impliquent souvent directement ou indirectement dans la scolarité de leur enfant qui apprend en jouant et ainsi automatise les apprentissages ou développe un esprit logique et stratégique. Les parents se sentent outillés pour accompagner leurs enfants dans une discipline qu'eux même ont parfois rejetée dans leur propre scolarité. Sensibilisés en situation à des thématiques liées à l'éducation, ils acceptent de prendre des habitudes qui favorisent la réussite et peuvent, notamment grâce aux jeux prêtés, proposer des alternatives aux écrans. Nous avons le sentiment que cette action évite le décrochage des élèves les plus fragiles en leur permettant de porter un autre regard sur les mathématiques.

Plusieurs élèves expriment maintenant "aimer" les maths, notamment des filles : ces temps de maths en familles leur permettent de développer l'estime et la confiance en soi et de passer un moment privilégié avec leur papa et/ou leur maman.

Nalini Anantharaman, professeur de mathématiques au Collège de France, accompagnée par Bénédicte Berner, responsable du campus de l'innovation à l'initiative de ce projet, a rencontré une première fois les familles en novembre 2024. Lorsqu'elle s'est présentée, son métier de mathématicienne a illuminé les visages dans la classe. C'est ce qui nous a conduit à l'inviter à partager un temps d'échanges avec les élèves puis leurs familles pour parler de son métier. Nous avons choisi la date du 7 mars, à la charnière de la semaine de l'égalité entre les filles et les garçons et de la semaine des mathématiques.

Ce 7 mars, Nalini est venue parler de son métier pendant 1h à chacune des classes de CM2. Elle a commencé par un exposé autour de l'infini à travers la présentation de formes autosimilaires qui a permis d'aborder de manière imagée la notion de fractales avec les élèves. "Mon métier c'est essayer d'inventer de nouvelles mathématiques" a-t-elle annoncé aux élèves ajoutant, photos à l'appui, que même des enfants peuvent faire de la recherche en mathématiques lorsqu'ils sont créatifs et inventent des compositions. Elle a complété ses propos en précisant qu'elle faisait des maths pures c'est-à-dire des maths par goût de l'exploration, pour faire de nouvelles découvertes, sans se demander si cela va servir dans la vie de tous les jours (par contraste maths appliquées, dont elle a donné quelques exemples). Son domaine d'action, c’est la géométrie.

Après ce temps de présentation, notre mathématicienne a engagé un dialogue avec les élèves à partir de questions qu'ils avaient préparées en amont de sa venue. Quelles étaient vos matières préférées à l'école ? Quel domaine des mathématiques préférez-vous ? Qu'est-ce qui vous a inspiré pour devenir mathématicienne ? Combien gagnez-vous par mois ? En quoi les maths vont servir pour devenir médecin ? Est-ce que c'est dur d'être mathématicienne ? Y-a-t-il un domaine que vous n'aimez pas en mathématiques ? Et de nombreuses autres questions concernant sa scolarité, ses études et son métier.

En retour, Nalini Anantharaman a demandé aux élèves s'ils aimaient ou non les maths. Ceux qui n'aimaient pas les maths ont été invités à préciser les raisons. Suite à cet échange, la chercheuse a conclu que même elle, parfois, elle trouve les mathématiques difficiles. Mais, comme pour n'importe quel métier, pour le sport ou la musique, il faut travailler s'entrainer pour se donner les moyens de réussir.

A l'issue de la journée de classe, les parents des enfants bénéficiaient de l'action "Des maths avec mon enfant" ont à leur tour échangé avec Nalini Anantharaman qui leur a rappelé qu'elle faisait partie des personnes qui ont pensé que c'était bien que les parents puissent faire des maths avec leurs enfants. elle a vraiment insisté sur le rôle des parents pour encourager leur enfant, l’encourager à s'entrainer, à faire ses exercices en s'aidant des outils construits en classe et aussi l'encourager à persévérer et à poser des questions aux enseignants dont le métier est de répondre aux questions ! Les parents ne doivent surtout pas dire à leur enfant que c'est impossible d'y arriver parce que les maths sont difficiles ; cela découragerait leur enfant. Elle a longuement insisté sur a nécessité de s'entrainer régulièrement, sur des temps pas top longs afin de ne pas perdre les automatismes acquis précisant qu'elle-même perdrait des habiletés  si elle ne faisait pas de maths pendant 6 mois... Elle a conclu son intervention par cette phrase : "On fait des mathématiques ; on ne lit pas des mathématiques" engageant les élèves à s'entrainer à l'écrit, au brouillon et non pas seulement à relire leurs leçons pour progresser en mathématiques.

Angélique Lettry, enseignante en CM2 à l’école Furstenberger et Danielle Ruetsch, formatrice 1er degré pour l’éducation prioritaire

Mise à jour : avril 2025