jeudi 28 mars 2024

TRAAM 2017-2018 : S'informer dans le monde du numérique

Intitulé des TraAM 2017-2018

Dans les nouveaux programmes entrés en vigueur à la rentrée 2016 est introduite une compétence « S’informer dans le monde du numérique » spécifique à l’histoire-géographie qui s’ajoute aux autres compétences déjà présentes dans les anciens programmes (se repérer dans le temps, dans l’espace, pratiquer différents langages etc.). Cette nouvelle compétence se décline en différentes capacités et est présente en cycle 3 comme en cycle 4.
  • Comment apprendre à s’informer dans le monde du numérique ?
  • C’est-à-dire, quelles capacités mettre en œuvre pour construire une véritable pratique de l’information, propre à l’histoire-géographie ?
  • Quels outils mettre en place pour évaluer la maîtrise de cette compétence et la progressivité de celle-ci sur les cycles 3 et 4 ?
  • Quelle continuité avec le lycée GT et professionnel?

Notre thématique académique

 

Apprendre à s'informer en temps réel avec discernement


L'équipe pressentie se propose de réfléchir sur les capacités, les attitudes et les connaissances à développer tout au long du cycle 4 pour apprendre aux élèves à utiliser avec discernement les vecteurs numériques véhiculant l'information "en temps réel" (différents réseaux sociaux et sites d'information en continu).


A partir de cette réflexion et en proposant de manipuler concrètement ces vecteurs, il s'agira de construire des séances ou des moments de cours, dans le cadre de l'EMC et en articulation avec les objectifs de l'EMI, permettant aux élèves de mieux connaître les conditions de production et de diffusion des informations virales, dans le but :

  • d'être en capacité et en posture d'évaluer leur pertinence,
  • de comprendre les enjeux civiques liés à leur diffusion en continu,
  • d'apprendre à les relayer d'une manière plus responsable.

Groupe de travail académique

  • Christophe Marchand (IA-IPR)
  • Claire Bernhard (collège du Parc, Illkirch)
  • Julien Hélary (collège Leclerc, Schiltigheim)
  • Thibault Marczak (collège Olympe de Gouges d'ingwiller)
  • Philippe Porté (collège Val de Moder, La Walck)
  • Jean-François Tavernier (collège de Barr)
  • Damien Tomasi (collège Leclerc Schiltigheim)

Présentation des travaux

Prenant à bras le corps la déclinaison académique de la thématique, les auteurs se confrontent à la difficulté de concilier le temps réel, rythme des réseaux sociaux et des chaines d’informations en continu, et l’impératif du nécessaire discernement à faire acquérir aux élèves. Compte tenu des programmes, la plupart des scénarios concerne la fin du cycle 4, 4e et 3e. Claire Bernhard fournit un véritable outil, basé sur Canoprof, permettant par le questionnement de distinguer information et rumeur et s’adressant aux 6e comme aux élèves de primaire (cycle 3).

Retrouvez les liens vers les scénarios en haut à droite de cette page

Analyse

Quelles plus-values pédagogiques ?

  • Les différents scénarios permettent chacun de placer les élèves en situation d’exercer leur esprit critique. Les élèves font l’expérience quotidienne d’un accès facile et immédiat aux informations par le numérique. L’ensemble des activités proposées intègre un moment où l’on place l’élève devant ce constat et où on lui fait prendre conscience des risques et du discernement nécessaire pour éprouver la fiabilité d’une information. Conformément aux objectifs de l’EMI, il s’agit de faire adopter aux élèves une démarche raisonnée dans la recherche mais aussi la production d’informations.
  • Utiliser des outils et ressources familiers des élèves afin de les motiver mais surtout de compléter leurs compétences avec ces outils numériques qu’ils pensent maîtriser. Cela permet aussi de renforcer les apprentissages en les ancrant dans les pratiques quotidiennes des élèves.
  • L’utilisation de supports nomades (tablettes ou équipements individuels mobiles dans une logique BYOD) oblige à repenser les espaces de travail : permettre les réflexions de groupes, sur un poste informatique, une tablette ou le smartphone d’un élève. Cela libère et modifie le rapport à l’espace de la classe dans un sens qui est souvent apprécié par les élèves. Ce peut être un levier pour d’autres pratiques innovantes.
  • Le numérique permet aussi de libérer l’écriture et la lecture. Plusieurs activités font appel à un travail d’écriture collaborative qui demande des compétences langagières bien sûr mais aussi des compétences spécifiques à l’écriture numérique collaborative (par exemple sur Etherpad : distinguer les auteurs, communiquer et argumenter pendant l’écriture, respecter les écrits des autres…). Grâce à Bookcreator, Feedly ou Twitter, les élèves rédigent et produisent ainsi eux-mêmes de l’information. S’informer dans le monde du numérique suppose aussi une lecture sur des supports et par des formats nouveaux (tweets, articles courts et abondamment illustrés de Kombini…). L’utilisation de Feedly par Julien Hélary et Damien Tomasi permet de montrer aux élèves qu’ils peuvent capter et organiser l’information en provenance de plusieurs flux différents (blogs, flux RSS…). Ainsi, nous pouvons citer André Tricot faisant référence à l’intuition d'Umberto Eco « l'invasion du numérique fait que nous lisons plus qu'aucun être humain avant nous ». 
  • Le numérique permet d’obtenir une motivation certaine des élèves mais c’est plus grâce aux formes d’activités (recherches en lignes, rédaction collaborative ou non sur supports numériques, BYOD…) qu’il permet que grâce aux technologies en elles-mêmes. Si « effet Waouh » il y a, c’est aussi parce que les scénarios présentent aux élèves des usages différents d’outils qu’ils connaissent. Les enseignant les orientent ainsi vers des utilisations plus sécurisées mais aussi plus responsables et citoyennes…. Enfin le numérique permet de proposer aux élèves des exercices attractifs et stimulants (par exemple l’activité proposée aux élèves de CM2 et de 6e par Claire Bernhard sur Canoprof) mais aussi de valoriser leurs productions (Twitter, Bookcreator, Feedly…). 
  • Enfin le numérique permet d’agir sur les modes d’organisation pédagogique en proposant des parcours individualisés permettant une plus grande autonomie des élèves (grâce à Canoprof ou Moodle) ou des situations d’apprentissage collaboratif dans lesquelles les élèves sont responsabilisés car ils doivent coopérer pour mener à bien des projets (publication de tweets, livre numérique…).

Leviers, difficultés ou obstacles rencontrés

  • Les scénarios portent sur le traitement de l’information et la question des médias numériques. Il se concentrent donc sur la fin du cycle 4, en parfois en classe de 3e, un niveau dans lequel le temps manque pour mettre en place une séance et l’intégrer dans une programmation très contrainte. Il est parfois nécessaire de revoir à la baisse les ambitions de départ, compte tenu du temps nécessaire à la préparation et à la mise en œuvre d’une séance intégrant le numérique.
  • La mutualisation de l’activité doit être anticipée pour être facilitée. Dans l’idéal, associer le testeur dès l’expérimentation de l’activité est intéressant. Ainsi, Mme Suhner, professeur documentaliste, a participé à l’encadrement de la séance « S’informer/informer en temps réel avec Twitter » avant de la tester elle-même avec d’autres groupes. Pour le scénario « S’informer à l’ère de l’info-divertissement » le contexte particulier du collège numérique (doté en tablettes et connexion wifi) ajouté à des contraintes temporaires locales ont rendu difficile la mutualisation. 
  • La question de la production finale ou de la trace matérielle de l’activité numérique se pose parfois (Scénarios 2 et 3). Certains élèves souhaitent encore disposer d’un document papier résumant l’activité sur support numérique pour pouvoir s’y référer ensuite.
  • Les activités utilisent des outils et des ressources faisant partie du quotidien des élèves (équipements personnels, sites commerciaux, réseaux sociaux…). Des difficultés apparaissent dès lors que l’on transpose ces outils et ressources dans le milieu scolaire (blocage de certains contenus notamment commerciaux, différences de configurations…). Ces freins sont difficiles à anticiper et apparaissent en cours de séance, l’enseignant doit alors adapter la réponse en temps réel.

Quelles transformations sur le temps ? l'espace ? la relation enseignant - élève ? au sein de l'établissement ?

  • L’utilisation d’outils et de ressources connus et utilisés par les élèves (Twitter, Kombini, Feedly…) permet de susciter l’intérêt. Mais nous savons désormais que les « digital natives » sont un mythe. S’appuyer sur les réseaux sociaux et les sites « populaires » est juste un pas que l’enseignant fait en direction des élèves et de leur quotidien numérique pour les accompagner dans la pratique d’outils et de ressources qu’ils ne maîtrisent souvent que très superficiellement. Il n’y a pas de modification profonde du rapport enseignant/enseigné, le professeur apportant les connaissances et les compétences nécessaires à un usage responsable et citoyen des vecteurs numériques de l’information.
  • Les plateformes utilisées dans certains scénarios (Moodle, Canoprof…) permettent de faire travailler les élèves hors la classe et hors du temps scolaire, selon les principes de la classe inversée. La séance en classe, au CDI, en salle informatique permettant souvent de traiter les points les plus délicats et complexes (analyse, rédaction…) pour lesquels le guidage est important. Le numérique permet aussi de finaliser la production en aval de la séance (reformulation, ajouts d’éléments multimédias…) en s’appuyant sur les usages vus en classe.
  • Pour tous les scénarios, la salle de classe apparaît bien peu adaptée aux usages du numérique et aux travaux collaboratifs mis en œuvre. Le CDI ou la salle informatique, prototypes des nouveaux espaces de classes, ont souvent été mis à profit.

Quelles compétences ont été nécessaires à l'enseignant pour mener à bien ce projet ?

Note : la description des compétences numériques s’appuie sur le référentiel national conforme au cadre européen (Référentiel européen des e-compétences DIGCOMP) et qui sert de base à la plateforme PiX de certification des compétences numériques. Afin de mener à bien les activités scénarisées pour leurs élèves, les professeurs doivent, bien entendu, maîtriser les outils, les matériels, les ressources et les services numériques utilisés. Les membres de la commission numérique ont tous les compétences nécessaires dans le domaine du numérique et ils ont choisi pour leurs activités les outils et ressources qu’ils maîtrisaient le mieux.
  • Information et données : sur les plateformes utilisées (Canoprof, Moodle…), les enseignants gèrent et traitent les données relatives aux activités proposées et à l’évaluation des élèves.
  • Communication et collaboration : il est nécessaire d’être en mesure de partager et publier certains travaux d’élèves dans un contexte de communication publique. Par exemple, les tweets rédigés par les élèves (Strasbourg 1) ont été publiés sur le compte de l’établissement.
  • Création de contenu : pour accompagner les élèves dans leurs démarches de création de contenus numériques (tweets, livres numériques…), les enseignants doivent maîtriser la création de documents textuels et multimédias à travers les outils proposés.
  • Protection et sécurité : il appartient aux enseignants et aux établissements de sécuriser les équipements, les communications et les données utilisés par les élèves. La protection des données personnelles des élèves est un souci constant. Le recours aux outils institutionnels, comme la plateforme Moodle administrée par la DANE ou la plateforme Canoprof gérée par Canopé, est un gage de sécurité. Enfin, les droits des élèves, notamment leur droit à l’image, sont évidemment respectés (autorisations des parents).
  • Environnement numérique : les enseignants doivent être capables non seulement de permettre l’accès aux environnements numériques nécessaires à la réalisation de leurs activités par les élèves mais aussi des résoudre les nombreux problèmes techniques qui ne manquent pas de se poser.

Quelles compétences numériques ce projet a-t-il permis d'acquérir pour l'élève ? 

Dans la plupart des scénarios, les élèves sont bien sur amenés à mener une recherche et une veille d’information, à travers les sites d’informations ou les réseaux sociaux. Ils acquièrent des connaissances (notions de base et vocabulaire du journalisme dans un contexte numérique, de l’information véhiculée par le numérique, notions de base sur les réseaux sociaux et leur fonctionnement) mais aussi des compétences liées au numérique. Rappel de la numérotation des scénarios :
  1. S’informer / informer en temps réel avec Twitter (Philippe Porté)
  2. De la rumeur à l’info : à la recherche de la vérité médiatique (Claire Bernhard)
  3. S’informer à l’ère de l’info-divertissement (Thibaud Marczak)
  4. Organiser et maitriser l’information immédiate grâce à Feedly (Julien Hélary et Damien Tomasi)
DomainesCompétencesScénarios

Informations et données

Concerne la recherche d'information et le traitement des données et intègre les questions d'éducation aux médias et à l'information

Mener une recherche et une veille d'informationsTous les scénarios travaillent cette compétence

Gérer des données

&

Traiter des données

Feedly est utilisé par les élèves dans le scénario 4 pour capter et organiser les flux d'informations

Communication et collaboration

Traite des interactions et de ce qui relève de la netiquette, du partage de contenus

InteragirLes élèves doivent interagir entre eux et par petits groupes au moyen d’outils d’écriture collaborative (1-2)
Partager et publierLes élèves partagent et publient des informations, ils communiquent leurs productions sur les réseaux sociaux (1 et 4) ou sous forme de livre électronique (3)
CollaborerCollaboration au sein de groupes de travail pour réaliser un projet ou coproduire des informations (1-3-4)
S'insérer dans le monde du numériqueLe scénario 4 demande notamment aux élèves, à travers leur recherche d’informations, de se positionner en tant qu’acteur social et citoyen dans le monde numérique

Création de contenu

Domaine dédié́ à la création de contenus numériques du plus simple au plus élaboré́, y compris des programmes informatiques. On y aborde aussi les questions relatives aux droits de publication sur les réseaux

Développer des documents textuelsSous forme de tweets (1), de livre (3, Bookcreator) ou d’une revue de presse (4, Feedly) les élèves doivent rédiger des productions écrites en respectant les contraintes imposées par les formats numériques
Développer des documents multimédiaLa composition de livre avec l’application Bookcreator (3) amène les élèves à enrichir leurs créations de contenus multimédias

A quel type de publication d'élève ces TraAM donnent-ils lieu ? 

Dans la plupart des scénarios, les élèves sont mis en situation de produire un document final sous forme numérique. Ce document peut éventuellement être ensuite publié ou rester à disposition de l’élève sur le réseau de l’établissement. Il est parfois nécessaire de remanier la forme pour l’adapter aux objectifs et aux formats d’une publication en particulier. Dans le scénario 1, les élèves étaient sensibilisés aux contraintes et au format particulier d’un tweet qui sont en adéquation avec l’exercice de synthèse qui leur est demandé. Les formes définitives ont donc été peu remaniées (orthographe surtout). L’idéal serait de disposer du temps nécessaire pour reformuler avec les élèves et d’introduire ainsi une dimension réflexive. Les élèves ont donc pu produire :
  • Des tweets publiés sur le compte de l’établissement
  • Des livres numériques sur l’application Bookcreator confrontant les articles sélectionnés sur Kombini aux attendus de la charte de Munich.
  • Une revue de presse sur Feedly.
Exemple de prolongements éventuel : Dans le scénario 1, à partir des tweets rédigés par la classe, des élèves de troisième ont improvisé une courte vidéo selon les codes du journal télévisé. Une démarche à généraliser car elle s’est avérée très motivante même si elle nécessite une reformulation des productions finales.

Configurations requises pour optimiser ces pratiques pédagogiques 

A travers les modalités préconisées par les scénarios, les élèves sont souvent amenés à coopérer au sein de petits groupes. La coopération suppose que l’élève, à un moment donné de l’activité, soit autonome dans la réalisation de sa tâche pour ensuite en faire profiter le groupe. Les usages du numériques (sur postes informatiques, sur tablettes, sur son propre équipement mobile…) imposent des déplacements et permettent aussi à l’élève d’adopter d’autres positions de travail grâce aux supports nomades. On l’a vu, la salle de classe type n’est pas le lieu le plus adapté à ces pratiques pédagogiques. Nous avons eu recours aux salles informatiques (mais tous les élèves n’ont pas forcément besoin d’un poste informatique au même moment) ou aux CDI qui proposent des postes informatiques, des espaces de travail en commun mais aussi des endroits où les élèves, seul ou en petits groupes, peuvent se mettre en retrait du groupe principal pour une tâche précise.Optimiser les pratiques numériques coopératives impose de réfléchir aux nouvelles d’organisation de l’espace de la classe liées aux interrogations actuelles sur la forme scolaire (milieux d’apprentissage, laboratoires pédagogiques…). Des salles de travail équipées de postes informatiques mais pas obligatoirement pour tous les élèves en même temps et où l’espace est pensé pour permettre une variété de modalités pédagogiques simultanées. Les CDI en sont des exemples mais des éléments sont aussi à chercher dans l’organisation des salles de nos collègues du premier degré. Enfin, nous remercions Mme Sophie Franke, professeur documentaliste, pour sa participation aux travaux de la commission numérique. Ses conseils et éclairages en EMI notamment nous ont particulièrement aidé lors de ces travaux académiques mutualisés"