vendredi 29 mars 2024

Quand la musique fait swinguer les neurones

Emmanuel Bigand, accompagné de son "Rolling String Quartett" a donné une conférence à Canopé Strasbourg le mercredi 6 janvier 2016.

Directeur du laboratoire d’études de l’apprentissage et du développement, professeur de psychologie cognitive, il nous a proposé de vivre une aventure à la fois scientifique et musicale.

Le format qu’il a donné à cet après midi était inédit, ou plutôt inouï puisqu’à chacune des affirmations scientifiques présentées, l’illustration sonore était aussitôt apportée par l’exemple musical avec le Rolling String Quartet, dont il est le violoncelliste. «The Rolling String Quartet » : Steve Duong et Jean-Christophe Haller aux violons, Christophe Farrugia à l'alto.

Cette conférence concert a pris la tournure d’un opéra rock, dont les personnages étaient l’oreille, le cerveau et la musique, et les intermèdes les récitatifs scientifiques.

Par exemple, pour illustrer la recherche scientifique sur la capacité du cerveau à trier en moins d’une seconde une très grande quantité d’informations sonores (parfaitement abstraites, car ne reliant à aucun objet), le quatuor a placé l’auditoire fort pédagogiquement dans les conditions sonores pour reconnaître le thème de happy birthday. Dans un medley qui visitait le music-hall, Jean Sébastien Bach, Brahms et la musique populaire hongroise, chacun des auditeurs pouvait « retrouver » la mélodie connue, plus ou moins reconnaissable selon ses déformations mélodique, rythmique ou harmonique. A cet instant, le chercheur nous fait prendre conscience de l’activité de l’aire de Broca, région de l’hémisphère gauche du cerveau.
La musique développe l’intelligence des structures.  

Pour explorer la proximité des réseaux du langage et ceux de la musique par exemple dans le contexte des travaux de Darwin ou de Stephen Pinker sur la survie de l’espèce, le quatuor poursuit l’exploration de  notre émotion artistique dans l’interprétation d’une berceuse arrangée d’un thème de King Chrimson ou sur un arrangement de Bohemian Rhapsody de Queen en jouant sur nos changements d’états émotionnels. A travers le récit d’expériences de Sandra Trehub au Canada ou de Stephen Mithen, le chercheur met l’accent sur le pouvoir social de la musique et sur sa capacité à l’empathie. Pour ceux qui, en entendant le thème de Freddie Mercury des Queen, pouvaient se remémorer le mythique concert de 1975, immanquablement, leur émotion prenait encore une autre dimension en convoquant la mémoire.  
La musique développe l’intelligence sensible.

L’exploration du cerveau, décidément musicien1 (Francis Eustache, Hervé Platel, Bernard Lechevalier, Le cerveau musicien, DeBoekc 2010. ) se poursuit dans  la capacité de la musique à modifier les structures neurologiques. Son vecteur de plasticité cérébrale repérée dans l’activité de l’aire de Broca peut avoir une incidence directe sur la mémorisation, le raisonnement, la motricité, le langage… compétences assurément associées à la réussite scolaire, l’estime de soi, l’envie d’apprendre. En citant l’expérience au Venezuela de l’orchestre des jeunes Sistema fondé en 1975, le chercheur met l’accent enfin sur la dimension essentielle de la musique  dans la construction de soi, le développement humain et social.
La musique développe l’intelligence du son.

L’auditoire constitué fort pertinemment d’universitaires, de thérapeutes, de pédagogues et d’étudiants a traversé pendant plus de deux heures les trois dimensions de cet opéra rock : cognition, émotion et action.

 

Avec humour, l’aventure s’est terminée par l’interprétation pétillante et jubilatoire de Satisfaction des Rolling Stones. La vidéo conférence en image et en ligne sur le site Canopé Strasbourg.


1Francis Eustache, Hervé Platel, Bernard Lechevalier, Le cerveau musicien, DeBoekc 2010.